“Aucune expulsion n’est en cours à Vintimille”. A la lumière de ce qu’il se passe pour le rassemblement No Border, les paroles d’Alfano [1] paraissent cohérentes avec les objectifs du gouvernement. La stratégie imposée par le pouvoir ne requiert en effet pas une action de force telle que celle qui, il y a un mois, a mené à l’indignation des bien-pensants. La DIGOS [2] locale menace d’expulsion un jour après l’autre afin de faire partir "volontairement" les migrants, tandis que des rondes de police cherchent à interrompre le flux de migrants depuis le centre d’accueil entre la gare et le campement. Entretemps, le maire, en appelant à d’improbables raisons de caractère sanitaire, interdit la distribution auto-organisée de nourriture et de boissons (sic !), créant de fait un délit de solidarité (puni pénalement), et indiquant la Croix Rouge Italienne comme unique gestionnaire de l’urgence. Pas d’expulsion donc, mais une stratégie à basse intensité qui continue d’exercer une pression sur celles et ceux qui ont décidé de résister à la frontière. D’autre part, personne ne s’est jamais bercé de l’illusion d’accorder une quelconque crédibilité aux institutions italiennes, et les rondes policières, torches et matraques en main, en disent plus que n’improte quelle déclaration.
Le campement permanent « no border » de Vintimille dure maintenant depuis un mois et nous voulons aujourd’hui rebondir sur le sens de ce mouvement, né de l’auto-dertermination des migrants en voyage et du soutien matériel de personnes solidaires venues sur les lieux. Nous n’acceptons pas la fermeture des frontières et ce n’est pas l’apparente démilitarisation du poste frontière qui réussira à nous convaincre de quitter les lieux, alors que les frontières se trouvent aujourd’hui partout. De Vintimille à Nice et même jusqu’à Marseille, des hommes et des femmes se voient interdire le passage, et nous sommes déterminés à surmonter cette situation inacceptable.
L’autogestion en cours à la frontière entre l’Italie et la France est le début de quelque chose de radicalement différent de la politique des Etats de l’UE. Dans ce campement, les européens et les migrants ont construit un espace de solidarité, de complicité et de lutte. Ensemble nous cuisinons et nous mangeons, nous rendons concrète la solidarité dont beaucoup parlent, les informations et les conseils se diffusent, nous surveillons l’action des forces de police italiennes et françaises, nous affirmons clairement et ouvertement notre désaccord face à la fermeture des frontières. Il ne nous parait pas possible de déceler la moindre trace d’instrumentalisation par les personnes solidaires dans ces gestes. Il est plutôt évident de voir que c’est le gouvernement italien qui utilise aujourd’hui les migrants comme moyen de pression dans la partie dégueulasse qui se joue sur la table des négociations de l’UE.
Dans cet espace pétri de contradictions qu’est Vintimille aujourd’hui, nous appelons celles et ceux qui partagent notre volonté de donner une force au mouvement auto-organisé de migrants. L’invitation que nous lançons est de venir à Vintimille, point de tension qui jour après jour défie la forteresse Europe, pour soutenir le campement « No border », pour témoigner sur ce qu’il se passe, pour relancer l’action anti-raciste sur les territoires, et pour ne pas baisser la garde sur les choses qui arrivent ici comme ailleurs.
De Lampedusa à Brennero, de Crotone à Vintimille et jusqu’à Paris, Calais et Brighton, nous voulons tenter de construire une riposte collective et transnationale à la politique de la forteresse Europe.
Nous avons besoin d’une opposition radicale faite d’actions concrètes, de gestes qui communiquent les uns avec les autres et qui s’emparent ici et maintenant de la liberté de circulation dans le monde entier.
Presidio Permanente NoBorders Ventimiglia 9 Juillet 2015
Pour suivre les infos de la lutte des migrants à Ventimille :
Presidio Permanente No Borders Ventimiglia