Zineb est décédée des suites de la blessure occasionnée le 1er décembre 2018 par une grenade lacrymogène qu’elle a reçu dans le visage à la fenêtre de son appartement marseillais. Elle est une victime emblématique des violences policières à l’œuvre depuis l’automne 2018 dans le cadre de la répression des manifestations marseillaises contre le mal logement et du mouvement des Gilets Jaunes.
Biographie
Zineb Redouane est née le 6 juillet 1938 en Tunisie et décédée le 2 décembre 2018 à Marseille. Surnommée « Mama Zina » par ses proches, elle est née d’un père commerçant algérien et d’une mère turque qui s’étaient rencontrés en Syrie. Enfant, elle fréquente la grande mosquée de Zitouna à Tunis où elle apprend l’arabe et la religion. Issue de la petite bourgeoisie algérienne, ses proches décrivent une femme qui lisait beaucoup, intéressée par la religion et l’histoire, à l’affût de l’actualité. « Elle n’a pas fait d’études, c’est mon père qui lui a appris à écrire en français, relate Milfet Redouane, l’une de ses filles. Elle aimait explorer. »
Dans les années 1980, son mari, imprimeur à Alger, s’installe à Paris où il gère un hôtel et une librairie. Puis il revend l’hôtel parisien pour acquérir l’hôtel Beau Séjour sur le Vieux-Port et le Rex près de la gare Saint- Charles. Zineb Redouane, qui a abandonné ses salons de coiffure pour élever les enfants, multiplie les allers-retours entre la France et l’Algérie.
Après le décès de son mari en 1996, Zineb Redouane prend son relais dans la gestion hôtelière.
En 1997, l’année suivante, l’un de ses fils meurt d’un arrêt cardiaque à Alger à l’âge de 30 ans. « Mama Zina » a été enterrée près de lui le 25 décembre au cimetière de Birkhadem. « C’était sa seule volonté, mettez-moi dans la tombe de mon fils. » Marquée par la mort de son fils, « Mama Zina » développe du diabète et des problèmes cardiaques – elle porte un stimulateur.
En 1999, Imen Souames arrive en France et loge d’abord à l’hôtel Rex. Rapidement, elle « l’aide dans sa paperasse » et les deux femmes se lieront d’une amitié indéfectible pendant plus de 20 ans. Originaire de Skikda en Algérie, Imen Souames est assistante d’éducation dans les écoles marseillaises. « Elle était très courageuse, elle aimait sortir et s’amuser » décrit Imen.
Ayant perdu son hôtel en 2002, Zineb trouve un petit appartement au 12 rue des Feuillants à Noailles, au coin de la Canebière, qu’elle loue 565 euros. En bas, des épiceries à petits prix, la pizzeria familiale Charly Pizza et le marché des Capucins, avec ses vendeurs de cigarettes à la sauvette. Zineb vivait de la réversion de la pension de son époux.
Depuis son pèlerinage à la Mecque en 2004, elle portait un foulard.
« Sa fille Milfet renchérit : « Elle avait une mémoire incroyable et une excellente vision de près comme de loin. Sur le balcon à Alger, elle voyait arriver son petit-fils avant moi. » Zineb aimait aussi beaucoup la mer, face à laquelle elle prenait le café avec ses petits- enfants à Alger. « Parfois, on prenait des sandwichs et on passait des heures sur la plage à Marseille », se souvient Imen Souames [1]. »
Récit des faits
Le 1er décembre 2018, à l’appel du Collectif du 5 novembre créé suite à l’effondrement des immeubles de la rue d’Aubagne, plus de 15 000 Marseillais.e.s manifestent contre l’habitat indigne et le mal logement qui a coûté la vie à 8 habitants du quartier de Noailles, soutenus par les Gilets Jaunes qui font alors la jonction lors de l’acte III.
Après avoir dispersé la manifestation devant la mairie et sur le Vieux-Port de Marseille, les forces de l’ordre repoussent les manifestant.e.s vers le haut de la Canebière.
Peu avant 19h, des agents des forces de l’ordre sont positionnés devant l’enseigne C&A au 53 La Canebière, à l’angle de la rue des Feuillants qui s’ouvre sur la Place des Capucins du quartier de Noailles. Les manifestants ont été repoussés plus haut sur la voie tandis que d’autres habitants sont sur la Place des Capucins. Les policiers tirent des grenades lacrymogènes, dont certaines atteignent les façades de la Canebière et de la rue des Feuillants. L’interprétation de ces tirs laisse penser qu’ils ont été réalisés dans le but d’atteindre les manifestants par ricochets (pratique non règlementaire des “tirs de façade”), en dépit des nombreuses fenêtres des immeubles d’habitation.
Zineb Redouane est chez elle, au quatrième étage du 12 rue des Feuillants. Elle prépare son dîner en discutant au téléphone avec sa fille Milfet Redouane, qui se trouve alors à Alger. Beaucoup de gaz lacrymogène entre par la fenêtre de sa chambre ouverte, qui donne sur la Canebière. À 18h57 (heure vérifiée grâce à l’appel téléphonique), Zineb se dirige vers la fenêtre pour la fermer. Elle met le haut-parleur de son téléphone qu’elle pose sur le radiateur situé sous la fenêtre afin de continuer la conversation en ayant les mains libres, et passe la tête par la fenêtre pour regarder dans la rue avant de la fermer. Elle voit alors deux policiers sur la Canebière, au croisement de la rue des Feuillants devant l’enseigne C&A. L’un d’entre eux tient un lance-grenade braqué en sa direction. Leurs regards se croisent quelques instants : son visage n’est pas masqué. « Je pourrai le reconnaitre » a-t-elle affirmé à sa fille Milfet et à son amie Imen. Puis, elle reçoit une grenade lacrymogène sur l’hémiface droit de son visage. Les deux policiers montent alors en voiture et s’éloignent des lieux. Immédiatement, elle déclare à sa fille Milfet inquiète d’entendre ses cris : « Il m’a visée, le policier m’a visée ! » [2] Malgré le choc de l’impact, Zineb Redouane reste debout et éteint le début d’incendie provoqué par les palets incandescents libérés par la grenade. Dans une pièce de 12 mètres carrés noyés par 800 mètres cubes de gaz, et en pleine hémorragie, elle piétine seule les étincelles qui brûlent au sol.
Sa voisine du dessous, Nadjia Takouche, alertée par ses cris, monte immédiatement lui porter assistance tandis que son amie Imen Souames, prévenue par sa fille Milfet, appelle les pompiers dont la caserne est située à moins de 200 mètres sur la Canebière. Elle devra les rappeler trois fois, et ils mettront 1h20 à venir lui porter secours. Pendant ces 80 minutes, Zineb Redouane les attend assise sur les marches du palier du 3ème étage, contenant une hémorragie importante à l’aide de nombreuses serviettes éponge fournies par sa voisine Nadjia. Lorsque les pompiers arrivent enfin, un policier est avec eux et réclame les clés de l’appartement de Zineb Redouane, qui refuse de les lui donner. Elle explique qu’elle a déjà éteint l’incendie, fermé le gaz et coupé l’électricité. Le policier insiste et menace de forcer la porte, alors Zineb Redouane lui laisse les clés et se fait conduire à l’hôpital de la Timone peu avant 21h. Elle attend ensuite avec Imen Souames près de 4 heures aux urgences avant d’être prise en charge pour suturer les plaies du visage dont l’hémorragie continue. Au alentours de 4h du matin le 2 décembre, elle sera transférée à l’hôpital de la Conception. Avant d’être admise au bloc opératoire 10 heures plus tard, à 14h le 2 décembre [3], elle fait trois arrêts cardiaques. Son cœur parvient à redémarrer et elle reste consciente, ce qui lui permet de parler au téléphone avec Milfet alors qu’elle se trouve en service de réanimation, avant qu’on ne déclare finalement sa mort à 22h30, soit 27,5 heures après l’impact de la grenade, à l’hôpital de la Conception [4] [5].
Autopsie et expertises
Les ogives de grenades lacrymogènes s’ouvrent en vol pour libérer plusieurs capsules de plastique contenant de la poudre de gaz CS qui se volatilise sous forme de nuage par l’effet de la combustion. Les capsules sont donc incandescentes au moment où la grenade vient frapper Zineb en plein visage, alors qu’elle regarde par sa fenêtre. Les capsules tombent dans son appartement et Zineb, bien que gravement blessée, s’empresse de les éteindre pour éviter l’incendie et se débarrasser du gaz. Le sol de la pièce, une chambre de 10 à 12 mètres carrés, est maculé de suie et de traces de combustion, témoins d’un incendie évité de justesse par les piétinements de Zineb [6] [7].
Un doute persiste sur la raison de la présence dans l’appartement d’un pompier et d’un policier pendant et après la prise en charge de Zineb par les pompiers. On ne sait pas ce qui a été fait sur la “scène de crime” à ce moment.
L’hémiface droite de son visage a été à ce point fracturée que les os de la face se sont affaissés pour venir oppresser ses voies respiratoires : le choc de l’impact a déplacé sa maxillaire tandis que l’inhalation de gaz a provoqué un œdème pulmonaire ainsi que l’effondrement de son palais. Les médecins légistes Marc Antoine Devooght et Jacques Desfeux se gardent pourtant d’imputer à la police la responsabilité de la mort de Zineb, affirmant plutôt que la cause du décès serait un “oedème pulmonaire aigu après tentative de réanimation”. Le procureur Tarabeux renchérit en affirmant que Zineb serait morte “d’un choc opératoire” et d’un “arrêt cardiaque sur la table d’opération”.
Le dossier médical présente des clichés photographiques pris entre le moment de la prise en charge de Zineb à l’hôpital et son décès, qui permettent d’émettre plusieurs hypothèses sur les causes de la mort :
- La première hypothèse, qui est la version reconnue officiellement par les autorités, ne prend en considération qu’une seule des blessures visibles sur le corps de Zineb. Cette version incrimine une grenade lacrymogène de type MP7 (56 mm) tirée par un seul policier à l’aide d’un lanceur Cougar et qui aurait frappé de plein fouet Zineb sur la maxillaire droite, après avoir suivi une trajectoire en cloche (= acte involontaire).
- La seconde hypothèse prend en considération la blessure sur le torse de Zineb mais occulte la présence d’un impact, attribuant la blessure à l’un des palets incandescents libérés par la grenade qui lui a frappé le visage. Cette version ne semble pas crédible, dans la mesure où la blessure sur le torse ne montre aucune brûlure mais au contraire un impact circulaire de petite taille entouré d’une ecchymose de 15 cm de diamètre. Les capsules lacrymogènes n’ont aucune force cinétique et ne peuvent occasionner ce type d’ecchymose.
- La troisième hypothèse prend également en considération la blessure sur le torse de Zineb, tout en l’attribuant à un second projectile de type balle de gomme. Elle aurait alors été touchée par une grenade lacrymogène au visage, ainsi que par une balle de gomme au torse. Cette version semble difficilement crédible, dans la mesure où elle impliquerait que deux tireurs armés de deux armes différentes auraient tirés simultanément sur Zineb dans une fenêtre de tir d’un mètre carré situé à 40 mètres de distance. Il est en effet improbable qu’il y aie eu une volonté coordonnée (= acte volontaire) de tirer à deux policiers sur Zineb et que ces deux tirs aient réussi à atteindre Zineb en même temps et avec autant de précision.
- La quatrième hypothèse prend aussi en considération les deux impacts et les attribuent tous deux à la même arme, capable de tirer deux grenades lacrymogènes MP3 (40 mm, plus petit calibre correspondant à l’impact sur le torse) dans la même direction et dans un laps de temps très court. Le nouveau fusil multicoups Penn Arms serait alors incriminé, ayant la capacité de tirer 6 cartouches lacrymogènes MP3 en 4 secondes.
Le 9 juillet 2019, Le Media diffuse un entretien réalisé à Alger avec Sami, le seul de la fratrie ne souhaitant pas s’associer aux autres enfants de Zineb Redouane, dans lequel il révèle ces photographies du visage tuméfié de sa mère. Par cet acte non concerté et extrêmement controversé, il ravive les dissensions au sein de la famille.
Tir en cloche ou tir de façade ?
La version officielle parle d’un tir en cloche qui serait tombé au mauvais endroit.
Il est totalement impossible qu’une grenade puisse occasionner de telles fractures alors qu’elle est en phase descendante, en retombée. De surcroit, l’ogive de grenade s’ouvre lorsqu’elle se situe en haut de sa trajectoire et l’ensemble des éléments la constituant (ogive + capsules de gaz lacrymogène) retombe avec une force cinétique très faible. Il ne peut y avoir d’impact dans ces conditions.
La présence d’un impact puissant susceptible de fracturer les os du visage à une distance de 30 à 40 mètres implique un “tir tendu” : la grenade est alors dans sa trajectoire montante et tirée avec un angle de 20 à 30°, soit en dessous de l’inclinaison verticale obligatoire de 30 à 45°.
Se présentent alors deux hypothèses :
- soit le policier visait délibérément Zineb Redouane et a dirigé son arme en tir direct (non règlementaire) vers elle pour l’atteindre de plein fouet, ce qui impliquerait une tentative d’homicide ou un homicide volontaire.
- soit le policier effectuait un “tir de façade” (non règlementaire) consistant à s’affranchir d’un obstacle en faisant rebondir la grenade sur un mur afin que les capsules lacrymogènes atteignent par rebond une foule dans un angle mort, ce qui impliquerait un homicide “involontaire”.
Au vu de la configuration des lieux, de l’angle de la rue des Feuillants par rapport à la Canebière, mais aussi des panneaux de chantier qui obstruent la visibilité sur la rue des Feuillants depuis la Canebière, l’hypothèse d’un tir de façade est crédible, dans la mesure où aucun tir direct, y compris en cloche, ne pouvait atteindre les manifestants présents plus haut dans la rue des Feuillants, très étroite et entourée d’immeubles hauts.
Sur les images ci-dessous, on voit le champ de vision extrêmement réduit depuis la Canebière sur la rue des Feuillants. Le seul angle permettant un tir direct en cloche (règlementaire) sur une foule située plus haut dans la rue des Feuillants n’aurait jamais pu atteindre Zineb Redouane de plein fouet (sa fenêtre est située à l’endroit de la croix rouge). Sur les trois autres vues, seule l’angle depuis le centre de la Canebière ou le trottoir devant le magasin C&A permet d’atteindre la fenêtre de Zineb Redouane. Mais un tir depuis là ne peut en aucun cas atteindre les manifestants dans la rue des Feuillants, hormis par un rebonds (tir de façade). Ou alors Zineb était directement et volontairement visée…
La procédure judiciaire
Milfet Redouane a aussitôt fait une demande de visa pour s’occuper de sa défunte mère et engager les poursuites judiciaires avec le soutien de la meilleure amie de Zineb, Imen Souames, qui l’a accompagnée fidèlement au cours des 20 dernières années de sa vie [8] [9]. Grâce à elle, Zineb a pu parler avec chacun de ses enfants au téléphone avant de décéder.
Avant même de disposer d’éléments factuels et établis, le procureur Xavier Tarabeux a affirmé que « le décès résulte d’un choc opératoire et non d’un choc facial », ajoutant qu’« à ce stade, on ne pouvait pas établir de lien de cause à effet entre la blessure et le décès » [sic].
Le 4 décembre 2018, une information judiciaire a été ouverte et confiée à un juge d’instruction.
Fin décembre, Milfet Redouane et Imen Souames ont organisé le rapatriement du corps de Zineb, qui a été inhumé le 25 décembre à Alger [10] [11]. Elles ont également fait le choix de confier leur plainte à Me Yassine Bouzrou, qui a défendu plusieurs familles de victimes par le passé [12] [13].
Le 24 avril 2019, la juge en charge de l’enquête est pointée du doigt après avoir demandé aux experts d’établir le montant de l’Incapacité Totale de Travail de Zineb Redouane [sic] [14] [15]. Pour autant, il n’est pas possible à ce stade de juger des avancées de l’enquête, confiée à l’IGPN. Des experts médicaux et balistiques ont été désignés dès le 10 décembre et devaient fournir un rapport en mars 2019.
En mai 2019, il n’y a toujours pas de nouvelle de ces expertises. Par conséquent, Me Bouzrou a mis en cause l’impartialité de la juridiction marseillaise et a demandé le dépaysement de l’affaire, qui a été refusé par l’avocat général près la Cour d’Appel d’Aix, Robert Gelli, le 2 mai 2019, estimant que “la requérante” ne fournit “aucun élément sérieux de nature à mettre en cause l’impartialité du magistrat instructeur saisi”.[Mars Actu, “L’avocat général Robert Gelli refuse le dépaysement de l’affaire Zineb Redouane“, le 3 mai 2019 [16] [17].
Le 5 juin 2019, Yassine Bouzrou dépose plainte pour « faux en écriture publique aggravé » après avoir été informé que l’une des 4 caméra censée être la plus proche de l’endroit où a été effectué le tir serait inopérante : « Il est particulièrement surprenant que ce soit justement cette caméra qui ait été déclarée inopérante. La thèse malheureuse du défaut de fonctionnement de la caméra la plus proche des lieux des faits n’est pas crédible, et ce notamment au regard des manœuvres employées […]. »
Suite à l’audition par l’IGPN fin janvier des cinq CRS de Saint Etienne (CRS 50) porteurs de lanceurs Cougar le soir du 1er décembre sur la Canebière, on apprend qu’ils étaient accompagné d’un délégué du procureur de Marseille, André Ribes. Celui-ci, équipé d’un brassard “Parquet”, apparaît en effet sur plusieurs vidéos.
Dans un périscope diffusé sur internet, le moment de la scène et l’atmosphère générale est retranscrite sur un laps de temps de 3 minutes correspondant au moment où les CRS arrivent au croisement de la rue des Feuillants avant de progresser plus en amont sur la Canebière : https://www.periscope.tv/w/1eaKbOZBQbXGX. Entre 14’01 et 14’09, on entend que les policiers procèdent à trois tirs de grenades à l’aide de lanceurs Cougar. S’il y a eu d’autres tirs, ils ne sont pas audibles sur cette vidéo. André Ribes apparaît à plusieurs reprises sur cette vidéo, ainsi que sur d’autres images prises plus tôt sur le vieux port.
Le 20 juin 2019, le procureur général Robert Gelli accepte à reculons le dépaysement de l’enquête : « Au moment de la manifestation, un magistrat du parquet était présent aux côtés des forces de l’ordre, ce qui, en soi, n’a aucune incidence sur les faits mais peut créer une forme de suspicion. C’est un élément que j’ignorais jusqu’alors et qui me gêne un peu. Je considère que la sérénité de la poursuite de l’information à Marseille risque d’être perturbée. Autant anticiper des polémiques inutiles. »
Le 2 juillet 2019, nouveau rebondissement dans l’affaire avec la publication d’un rapport d’autopsie réalisé par les médecins légistes du centre hospitalo-universitaire d’Alger suite au rapatriement du corps de Zineb le 25 décembre en Algérie : les professeurs Rachid Belhadj et Radia Yala affirment que “la victime présentait un important traumatisme facial imputable à l’impact d’un projectile non pénétrant”, confirmant ainsi la responsabilité directe du tir dans la mort de Zineb.
Le 8 juillet 2019, Me Bouzrou annonce avoir saisi le Conseil Supérieur de la Magistrature à l’encontre du procureur Xavier Tarabeux, lui imputant des “manquements déontologiques et disciplinaires” pour avoir nié dés les premiers jours la responsabilité du “choc facial” dans le décès de Zineb Redouane, mais également pour avoir dissimulé la présence du procureur adjoint André Ribes à proximité des CRS à l’origine du tir de grenade [18] .
Comité Vérité, Justice et Dignité pour Zineb Redouane
Milfet Redouane et Imen Souames, accompagnées par des personnes de confiance, dont certaines sont des habitantes solidaires du quartier de Noailles, où habitait Zineb, ont constitué un comité et choisi de mener la bataille pour faire la lumière sur la mort de Zineb.
Le 28 mars 2019, Milfet Redouane sort du silence en adressant une lettre ouverte au président Macron suite à ses propos concernant Geneviève Legay, militante d’Attac blessées par des CRS le 23 mars à Nice dans le cadre d’une manifestation de gilets jaunes. Elle se prononce notamment pour l’interdiction des armes qui ont tué sa mère : “La vraie sagesse, c’est d’interdire ces armes” [19].
Le Comité a rencontré à Paris début avril plusieurs familles touchées par les violences d’État, des journalistes engagés, ainsi que des collectifs et personnes investies depuis plusieurs années auprès de victimes de violences policières [20]. Milfet Redouane est notamment accueillie avec chaleur et émotion par Jérôme Rodrigues (gilet jaune éborgné par un tir de LBD lors d’une manifestation le 26 janvier 2019 [21]) et l’Assemblée parisienne des Gilets Jaunes le 9 avril 2019 [22].
Milfet et Imen s’expriment ensemble fin avril 2019 dans une vidéo tournée par le collectif militant marseillais Primitivi, afin de revenir sur les faits et d’expliquer leur démarche [23].
Le 27 avril 2019, des manifestant-es solidaires collent une fausse plaque en hommage à Zineb Redouane par dessus le panonceau de la rue des Feuillants [24] [25]. Régulièrement, des hommages sont rendus à Zineb dans le cadre des commémorations des victimes de l’écroulement des immeubles de la rue d’Aubagne, dans la mesure où la mort de Zineb est intervenue en marge d’une manifestation suite à ce drame et que les victimes étaient toutes habitantes du même quartier que Zineb [26] [27].