Ce ne sont pas des bavures, comme ce n’était pas la pluie

Du 5 novembre au 1er décembre, il n’y a qu’un mois. De la gestion mafieuse de l’habitat à la violence policière, il n’y a qu’un pas. Il y a un an, deux immeubles s’effondraient rue d’Aubagne ; il y a un an aussi, Zineb Redouane était tuée par la police.

L’an passé nous étions 20 000 personnes dans la rue pour la « manif de la colère » et nous sommes resté.es mobilisé.es pendant les semaines qui ont suivi ces effondrements. Mobilisé.es dans le soutien aux familles et aux nombreux.ses expulsé.es, jusqu’à aujourd’hui. Mais aussi dans la rue chaque samedi, avec les gilets jaunes, et autres marcheur.ses infatigables.

Ainsi les rues se sont remplies de cris, de chants, chaque fois nous allions taper la grande porte de cette Mairie assassine, de la Soléam, de ces magasins, de ces banques qui n’œuvrent qu’à nous appauvrir, nous humilier. Mais les rues se sont aussi remplies de douleurs, de coups, de traumatismes crâniens. Et le 1er décembre Zineb Redouane meurt touchée par une grenade lacrymogène alors qu’elle ferme ses volets. Alors que l’enquête piétine, le chef des CRS impliqués dans la mort de Zineb Redouane fait partie de la liste des policiers médaillés par le ministère de l’Intérieur, comble du mépris.

La mort de Zineb donne à voir une fois de plus la brutalité de la police et sa violence manifeste. Elle résonne pour tout celles et ceux qui ont vu et subit ces violences, et elle vient grandir la triste liste des vies humaines qui ont succombé à la poigne de l’ordre.

Ce samedi 9 novembre 2019, la colère était encore vivace. Elle le restera. Il est évident que ce drame est le résultat d’une politique pensée pour vider le centre de ses populations pauvres et en installer de plus « distinguées », et parsemer le tout de magasins de luxe et de tourisme.
Le système produit son monde, impose sa logique, définit les règles et dessine les contours, tout en se prétendant être le sens pur et naturel, de la « logique ». Eux en haut, nous en bas. Tu travailleras là-bas, car la filiale manque de main d’œuvre, par contre vivre là c’est pas pour toi, et mange cette merde, les trucs bons sont trop chers pour toi. Une logique du privilège qui n’a rien de « naturel ». Alors aujourd’hui rien d’étonnant si dans les banlieues, comme ailleurs, on survit dangereusement de petits larcins pour ne pas crever la bouche ouverte à Pôle emploi. Rien d’étonnant si certain.es perdent la tête en s’acharnant à tenir des cadences infernales et en subissant l’injure permanente qu’est une vie de pauvre dans un monde pour riches.

Alors il y a ces moments où ça pète, ces moments où ça gueule et l’on croit un instant renverser la logique illogique, et l’on est heureux.ses de voir qu’ils sont nombreux ces moments, en France et ailleurs. Mais la police est là ! La police fait son travail et elle le fait bien, elle réprime celles et ceux qui sortent de leur place en criant et en volant. Pour les personnes qui croiraient encore qu’elle nous protège de la violence et des viols il n’y a qu’à voir le nombre de plaintes qui n’aboutissent à rien mais aussi le nombre de violences qui sont perpétrées au sein même de la maison police pour se convaincre qu’elle est bien moins un rempart à la violence que l’un de ses déclencheurs.
Sa justification est une question de point de vue et non de nécessité.

Marseille, le 8 décembre 2018, sept jours après la mort de Zineb Redouane, un adolescent de 14 ans est gravement blessé à la tête par un tir de LBD alors qu’il passait proche d’une manifestation de Gilets Jaunes pour rentrer chez lui. Un peu plus tard dans Noailles, Maria se fait fracasser le crâne sans raison par une brigade de police improvisée dont la composition fait aujourd’hui scandale. Ce mois de décembre dernier a rendu clair que ne sont pas des bavures, comme ce n’était pas la pluie, que la police a mené des expéditions punitives dans les rues endeuillées de Noailles alors que les ruines des bâtiments effondrés quelques rues plus haut étaient à peine déblayées, que les victimes étaient à peine dénombrées et leurs corps à peine retrouvés que le gouvernement apeuré par la gronde salissait la mort de Zineb Redouane.
Parce qu’ici le rôle de la police est de faire taire les pauvres quand ils et elles se révoltent contre leurs condition parce qu’ils nous haïssent et qu’ils nous veulent morts ou entièrement dociles.

Toujours nous refuserons de choisir entre mourir dans des ruines ou partir loin de là où nous vivons et nous continuerons de combattre la police et sa violence.
Pour Zineb et tout.e.s les autres mort.e.s ou blessé.e.s dans les mains de la police d’ici au 1er décembre, recouvrons les murs de leurs noms, de leurs histoires.

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