A l’aéroport de Marseille Marignane il y a un petit terminal [1], un terminal que n’emprunte jamais le touriste de masse. Il est tout au bout d’une route qui longe l’étang de Berre, coincée entre l’étang et les grillages de l’aéroport, à coté d’un entrepot DHL. Dans ce terminal, tous les vendredis matin, aux alentours de 10h30, des personnes, amenées depuis différents CRA sont embarquées de force dans un petit avion de la compagnie Twin-jet afin de les expulser vers la Tunisie.
Nous sommes régulièrement en contact avec des personnes enfermées au Centre de Rétention Administrative (CRA) du Canet (proche de Bougainville à Marseille). Ils nous racontent comment les agents de la Police aux Frontières (PAF) viennent parfois les chopper dans leur chambre, la nuit du jeudi au vendredi afin de les emmener à l’aéroport. « Des hommes cagoulés débarquent à sept ou huit dans la chambre, ils ont des gants et des tonfas ». Lorsqu’ils veulent éviter que la personne expulsée se débatte, ils la baillonnent, lui scotchent les mains, les pieds, l’accrochent assise sur un fauteuil roulant, et lui mettent un casque sur la tête. C’est à ce moment là que commence l’expulsion Twin-jet. A l’abri des regards des touristes, et empéchant tout appel à l’aide possible, cette compagnie aérienne aixoise et l’État français déportent dans des petits avions de 19 places, sans test covid, cinq à six personnes vers la Tunisie depuis au moins 6 mois.
En effet, en ce moment les expulsions dans des avions transportant également des voyageureuses sont compliquées, car des tests covid négatifs sont nécessaires pour embarquer. Dans le CRA de Marseille plein de gens ont refusé des tests PCR pour un vol d’expulsion. L’Etat fait donc deux choses, parfois il les condamne à plusieurs mois de prison et parfois il organise des expulsions avec Twin-jet sans test PCR. Parfois les personnes ne voient le terminal que depuis l’exterieur car les policiers preférent les laisser plusieurs heures dans la camionette du CRA plutôt que de les faire rentrer dans le terminal.
Aujourd’hui, le 1e avril, nous sommes rentré·e·s dans ce terminal avec des banderoles et en criant des slogans pour apporter de la force aux personnes expulsées.
Le business du transport des personnes sans-papiers
Twin-jet est une entreprise capitaliste classique. Elle est glorifiée dans les medias comme « le Petit Poucet du ciel français qui affronte seul la crise » [2], une entreprise qui a « réussi à survivre à la crise sans aide financière » et qui « faute de trafic d’affaires […] a élaboré des solutions originales ». Olivier Manaut, son dirigeant, se plaint de « souffrir, car la France devient un désert industriel, alors que notre activité est à 75 % liée aux industries » mais Olivier à trouvé un bon filon : la frontière.
Pour cette compagnie, la volonté étatique d’empêcher des personnes de vivre où elles le voudraient, d’amener de force des personnes dans des pays où elles ne veulent pas habiter, c’est un marché comme un autre (voir un marché juteux). Matériellement une frontière c’est aussi ça, un petit avion, un pilote et des keufs qui s’acharnent à forcer des personnes à rester dans un espace dont on considère qu’elles ne doivent pas sortir, faisant fructifier au passage le capital d’une compagnie aérienne.
On peut retrouver des appel d’offres de la police nationale remportés par Twin-jet depuis 2006. La compagnie a pu accomplir des missions variées durant toutes ces années. Des expulsions vers des pays considérés comme pays d’origines, vers des pays européens dans le cadre des procédures Dublin, ou encore des vols qui ne quittaient pas la france lorsqu’il s’agissait de « désengorger » Calais en 2015 [3]. Et actuellement les vols privés proposés par Twin-jet sont pratiques puisqu’il permettent d’embarquer des prisonniers non testés vers la tunisie.
Nous sommes contre les expulsions et contre les frontières. Et nous serions contre les frontières même si personne ne s’enrichissait dessus. Mais cela nous paraît important de constater qu’à ce jour elles fonctionnent en partie comme un business. D’une part parce que cela nous permet d’identifier des rouages de la machine à expulser auxquels nous pouvons nous attaquer. Mais aussi parce qu’il est intéressant de se rendre compte que une fois de plus, des intérêts économiques peuvent mener à faire des chose violentes et cruelles.
Les frontières existent parce que des acteurs y trouvent un intérêt, pour certain c’est l’expression de leur racisme, et pour d’autres c’est un moyen de précariser une main d’œuvre pour qu’elle soit bon marché. Il y a sans doute d’autres raisons, parmi lesquelles, les intérêts des boites collabos pour lesquelles la frontière est tout simplement un marché.
Le président de Twin-jet, Olivier Manaut, en est un bon exemple. Lui même est résident suisse, alors qu’au moins 7 des entreprises dont il est mandataire sont en france. Il y a peut être des intérêts fiscaux à être résident suisse, tout en étant président d’une entreprise française [4]. Un deuxième avantage économique qu’il tirerait de la frontière, pour lui elle est une opportunité, alors qu’elle brise les vies des personnes qui n’ont pas ses privilèges dont il permet la déportation.
Système « absurde », qui détruit la vie des gens, casse les gens pour mieux les exploiter !
Twin-jet est le fruit d’un système global, des politiques migratoires en france et plus largement en Europe qui mettent en place une gestion meurtrière des frontières, et l’instrumentalisation des personnes en irrégularité administrative. La militarisation des frontières partout en Europe, la construction permanente de centres de rétention administrative en France, les violences physiques subies par les migrant.es pendant leurs déplacements ou/et lors de leur arrivée dans un pays, l’exploitation au travail etc, dévoilent des formes de domination néocoloniale dont Twin-jet est acteur et profiteur.
Les murs et les expulsions n’empêchent pas les migrations, mais ils aggravent les systèmes de précarisation, augmentent les dangers lors des traversées, maintiennent les inégalités entre pays, entre autres… détruisant ainsi la vie de millions de personnes
Luttes et résistances face à la machine à expulser
Si les expulsions Twin-jet commencent par une intrusion surprise en pleine nuit dans les chambres du CRA, c’est pour empêcher tout mouvement de résistance. Il y a en effet de nombreuses résistances collectives et individuelles à ce système d’exploitation, d’enfermement et d’expulsion. Lorsque l’on vient d’un pays en dehors des frontières de l’Europe, peu importe ce que l’on fait, il est très compliqué d’obtenir des papiers (et aussi le droit de travailler), il est très compliqué de ne pas finir « sans papier ». Depuis des années, il y a donc des luttes individuelles, collectives pour la régularisation des sans papiers. Se greffent à ces luttes, celles d’un droit au logement et celles pour la fermeture des centres de rétention. Il y a aussi des stratégies d’évitements individuelles et collectives pour ne pas être contrôlé.e, attrapé.e dans les multiples rafles de la police ou dans ces pièges de l’État comme ces rendez-vous à la préfecture qui finissent en CRA.
Tout les jours, dans les CRA, ces luttes individuelles et collectives continuent, elles prennent la forme de grèves de la faim, d’automutilations, d’incendies [5], d’évasions… En soutien à ces luttes et aux personnes enfermées dans les CRA nous avons décidé de visibiliser un des maillons de la machine à expulser : Les expulsions Twin-jet.
Nous vomissons sur les colabos, l’Etat oppressif qui enferme et sa police.
Soutiens aux enfermés du CRA de marseille et de tous les CRA.
Le siège social de l’entreprise Twin-jet aussi est proche de Marseille, 1070 Rue du Lieutenant Parayre 13799 AIX EN PROVENCE, il est possible d’y faire un tour. [6]