Les cordistes auront-ils leur mot à dire ?

Les 23 et 24 mai, à la Cité des arts de la rue à Marseille, se tiendront les championnats de France des cordistes 2019. L’association Cordistes en colère, cordistes solidaire y tiendra un stand durant ces deux jours afin de présenter ses activités. Nous saisirons cette occasion pour mettre en lumière une large part des problématiques auxquelles nous faisons face quotidiennement en tant que travailleurs.

Ci-dessous, le communiqué des Cordistes en colère et solidaires :

Et les cordistes, ils ont leur mot à dire ?

Un championnat de cordistes ou une vitrine pour les entreprises ?

Depuis près de 10 ans, le championnat de France des cordistes est devenu une des vitrines de la profession. En rassemblant cordistes, chefs d’entreprises, agences d’intérim, organismes de formation, et fabricants, le syndicat d’employeurs (SFETH) donne ainsi à voir l’image d’une profession unie avec des intérêts communs, mature dans ces techniques de travail et en très bonne santé économique.
Ainsi, lors du dernier championnat (en mai 2018), avec 800 millions d’euros de chiffre d’affaires et des marchés en hausse de plus de 10 %, Jacques Bordignon (président du SFETH) se réjouissait dans les colonnes des Échos de ces excellents résultats. Et pour cause, selon lui, intervenir sur cordes serait devenue «  une alternative plus souple, plus rapide et plus économique que l’installation d’échafaudages et de nacelles, ... ».

Des cordistes en colère au championnat de France ? Mais pourquoi donc ?
Ces dernières années en France, le secteur des travaux en hauteur enregistre donc des chiffres records. En moins de dix ans, le nombre d’entreprises a été multiplié par deux, tout comme le nombre de salariés. Pour arriver aujourd’hui à près de 730 entreprises et plus de 8500 cordistes.

Mais à ce tableau idyllique pour les employeurs correspond un envers du décor tout autre pour les cordistes...

  • Plus de 20 morts au travail sur les 12 dernières années.
  • Des dizaines, voire des centaines d’accidents graves non recensés.
  • Un nombre important de collègues contraints d’arrêter, usés et cassés par le boulot.
  • De rares études d’accidentologie (pas toujours publiées...).
  • Une absence de convention collective propre et donc des salariés éclatés au travers des conventions du bâtiment, des travaux publics, de l’industrie, de l’événementiel, etc. Avec, entre autres, pour conséquence au niveau institutionnel (CPAM, CARSAT, etc.), une incapacité à rassembler les données des nombreux accidents de travail. Et donc d’en tirer des enseignements !
  • Un travail permanent de dilution des responsabilités : travailleurs formés (donc responsables !), chaînes hiérarchiques, chaînes de sous-traitance et autant de manières de se renvoyer la balle en cas d’accident.
  • Des systèmes de formations qui certifient les compétences des cordistes, mais quasi aucun dispositif qui contrôle celles des entreprises et les mesures et moyens qu’elles mettent en place dans la pratique des travaux en hauteur.
  • Des formations souvent peu ou pas dispensées pour prévenir des risques inhérents aux tâches et à l’environnement de travail spécifique (confiné, appareil respiratoire isolant, risques chimiques, antennes GSM et champs électromagnétiques, béton projeté, etc.).
  • Des employeurs qui sciemment ou par négligence ne font pas appliquer les règles de sécurité élémentaires telles que l’utilisation d’une corde de sécurité (Cause de deux des trois accidents mortels en 2018. Et de combien d’accidents graves ?).
  • Un droit de retrait difficilement applicable face à la précarité des contrats et le chantage à l’emploi. Et ainsi, nombre de situations dangereuses que les cordistes n’ont pas d’autre choix que "d’accepter".
  • Une baisse des salaires drastique avec un taux horaire quasiment divisé par deux en 15, 20 ans pour rejoindre aujourd’hui un SMIC à peine amélioré pour nombre de collègues démarrant dans le boulot.
  • Une large majorité d’employeurs qui se soustraient au code du travail en laissant les Équipements de Protection Individuelle (EPI) (Environ 1000€ pour un kit cordiste) à la charge des salariés. En intérim, pas de kit EPI = pas de mission proposée. (Voir les résultats de notre sondage)
  • Un travail qui impose majoritairement des déplacements, mais des indemnisations souvent insuffisantes et pour lesquelles il faut sans cesse batailler (heures de route, indemnités kilométriques, de trajet, de déplacement, de grand déplacement, et des semaines entières bloquées en déplacement sans calendaire où il ne faudrait donc ni dormir, ni bouffer durant les week-ends…)

Et probablement d’autres aspects encore...

Et solidaires en plus ?

Si le monde du travail dans son ensemble veut que les salariés soient isolés et mis en concurrence les uns avec les autres, le petit monde des cordistes n’y échappe pas non plus. Des petites entreprises, une précarité des contrats avec une majorité d’intérimaires, de l’auto-entrepreneuriat qui n’est qu’un glissement du salariat vers l’auto-exploitation, un fort turn-over, un chantage à l’emploi face au chômage, etc. La réalité de notre boulot pose toutes les conditions pour nous voir isolés, chacun dans son coin, réduit à défendre tant bien que mal son petit bout de gras.
Mais heureusement, cette triste logique ne fonctionne pas toujours si bien. On connaît tous des situations où tels ou tels collègues font le choix de se serrer les coudes, ou de refuser une situation dangereuse. Ainsi, pour contribuer à ce que ce type de situations ne soient plus anecdotiques mais devienne la règle, une association s’est créée en décembre dernier : Cordistes en colère, cordistes solidaires. Plus qu’une dichotomie assumée, nous souhaitons faire de notre colère une force pour développer notre solidarité et faire de notre solidarité le porte-voix de notre colère.

Parce que depuis bien trop longtemps, seuls les intérêts patronaux avaient voix au chapitre dans cette profession. Parce qu’en tant que salariés (embauchés, intérimaires ou indépendants), en tant que cordistes, la solidarité peut être une valeur, mais elle est aussi une nécessité. Une nécessité pour sortir de l’isolement, se renforcer les uns les autres et défendre nos intérêts communs.

On est là...

Ainsi, nous serons présents lors du Championnat de France des cordistes qui se tiendra les 23 et 24 mai 2019 à la Cité des Arts de la rue, à Marseille. Nous y tiendrons un stand pour échanger et présenter notre démarche. Pour faire connaître nos problématiques et faire entendre nos exigences. Nous participerons à la table ronde proposée par le SFETH le vendredi de 10h à 12h. Table ronde où il sera notamment question de :

  • Kit EPI, fournis ou indemnisés : pas un centime à la charge des salariés
  • Grille de salaires
  • IGD, calendaire, indemnité kilométrique
  • Nécessité d’un réel outil de recensement, de statistique et d’analyse des accidents.

Table ronde où nous invitons tous les collègues disponibles et intéressés à venir participer.
Inscription ici


Association Cordistes en colère, cordistes solidaires,
Mai 2019
Pour tous contacts :
cordistesencolere@riseup.net / 06 38 49 64 18 ou 06 14 70 89 32
Plus d’infos sur l’association : https://cordistesencolere.noblogs.org/

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