Marseille et ses exclu-e-s en situation de « handicap psychique ». Une faillite d’un système psychiatrique au paradigme obsolète conjugué aux violences d’État

Ville de Marseille. Plus de quatre milles personnes en situation de "handicap psychique" livrées à la rue. Elles sont victimes des formes de violence institutionnelle les plus cruelles. Beaucoup sont dépossédées de leurs allocations AAH (Allocations Adultes Handicapés) par des mécanismes monstrueux de tutelle et curatelle.

Marseille et ses exclu-e-s en situation de « handicap psychique ». Une faillite d’un système psychiatrique au paradigme obsolète conjugué aux violences d’Etat

« Ce que l’on sait précisément en revanche, c’est que parmi les 141 500 SDF de France (1), 30 %, soit plus de 42 450 personnes, souffrent de troubles psychotiques sévères, tels que la schizophrénie. Et la rue, "c’est certain", note encore le médecin marseillais, "aggrave" ces pathologies, auxquelles se greffent souvent de multiples addictions (drogue, alcool, médicaments détournés de leur usage). Ainsi, les malades mentaux à la rue, qui échappent aux dispositifs classiques d’aide, ont une espérance de vie de "30 à 35 ans" moindre que celle de la population générale française.

Ce constat dramatique, une "violence d’État" pour le Dr Vincent Girard, psychiatre au sein de l’AP-HM, a aussi un coût particulièrement élevé pour les deniers publics : "On considère, précise-t-il, qu’une journée de prise en charge de ces patients dans le système de soins revient de 600 à 1 200 € par personne." Sans pour autant que les solutions proposées - de très fréquents et longs séjours à l’hôpital "parce qu’on ne sait pas quoi faire de ces cas très lourds", des entrées répétées aux urgences - répondent à la multiplicité de leurs difficultés. »

Il n’a pas tort de le dire : « Une violence d’État » contre des centaines de milliers de personnes coupables d’être fragiles et fragilisées dans leur vie. Coupables d’être pauvres et exclues d’une vie décente et humaine. Il n’y a aucun doute que les mécanismes montés en toutes pièces dans le « souci » d’agir en direction de ces personnes qu’ils soient sous forme des associations subventionnées dans l’« accompagnement » ou le « suivi » sont en faillites irréversibles. La ville de Marseille et d’Aix-en-Provence sont un exemple parfait pour comprendre comment fonctionnent les structures en question dans le traitement des personnes en situation de handicap psychique aggravée dans l’indifférence totale des gens et la fuite en avant des acteurs institutionnels. Plus de 4000 personnes en situation de handicap psychique sont dans la rue jour et nuit.

Elles sont de toutes les origines sociales et culturelles. Parmi elles, il y a beaucoup de jeunes femmes qui font la manche et demandent des cigarettes, la plupart du temps sont endormies à cause des saloperies des traitements : Exomil, Clopixol, Risperdal, Imovane, etc. Il y a aussi celles et ceux qui sont mises sous tutelle ou curatelle, ne perçoivent pas correctement leurs allocations : entre 20 et 40 euros par semaines, sans logement et sans abri, objets de prédations sexuelles et d’agression. Elles ne peuvent même pas réclamer le reste par peur d’intimidation et de menace de réhospitalisation forcée. C’est la fameuse « protection juridique des majeurs » déléguée à des associations obsolètes sans aucun contrôle.

Pour masquer cette faillite, des acteurs de tout bord ont organisé à Marseille du 14 au 17 mars 2016 un truc de ce qu’ils ont appelé : « Semaines d’information sur la santé mentale ».

J’ai participé activement dans ces journées dans le cadre de mon collectif Vérité et Justice pour Nathalie (www.cvjn.over-blog.com) pour la dignité de Nathalie, pulvérisée par des mécanismes psychiatriques et sociojudiciaires à l’âge de 43 ans à Aix-en-Provence. Je ne peux qu’exprimer ma colère et mon indignation sur la complicité de ces organisateurs et les mensonges des intervenants sur cette problématique.

Cependant, seules des personnes concernées et leurs proches qui ont mis un peu du sel dans ces journées par leurs témoignages directs et sans préalables sur ce qu’on dit dans la psychiatrie et on ne fait pas. Sur ce que veulent les patients et les services concernés ne les entendent pas. Il ont parlé de la maltraitance psychiatrique et l’abus de la tutelle et curatelle. Ils ont parlé du logement comme solution et non du foyer comme problème.
Aucun intervenant institutionnel y compris le psychiatrique n’a évoqué le mot « maltraitance ». Pire, ils ont maintenu une confusion volontaire entre la dimension mentale et la dimension psychique. Le plus impressionnant était dans l’intervention d’une psychiatre qui m’a immédiatement fait tremblé. Elle a dit ceci : « Lors de mon interrogatoire des patients, je... ». Après avoir autorisé la parole à la salle, plus de 300 personnes présentes, j’ai pris la parole et je lui ai dit ceci dans un langage poli : « Docteur, l’interrogatoire ne fait pas partie du dispositif ou de la posture du médecin ou psychiatre. L’interrogatoire est une technique réservée à la police pour arracher les aveux. Le médecin ou le psychiatre se sert de l’entretien dans sa relation avec la personne qui a RDV pour consultation. Ce sont deux logiques aux fondements épistémologiques radicalement différents ». Elle n’était pas contente. Elle m’avait répondu : « C’est ça ce que j’ai appris à la faculté de médecine ». Ce que je ne le crois pas. J’espère que je me trompe.

Marseille. Une grande ville et une belle ville. Belle dans sa diversité culturelle, sociale, architecturale et historique. Malheureusement, la majorité de la population est frappée par la pauvreté extrême, la précarité et l’incompétence accrue du politique gestionnaire, acteur des problèmes endémiques et systémiques inquiétants. Ce sont des personnes victimes de cette politique qu’on qualifie de « malades mentaux » ou de « marginaux ». La plupart sont diplômés avec baccalauréat plus, il écrivent sur leur vie et leurs conditions de vie. Il assistent à des rassemblements publics et prennent la parole dans une intelligibilité sans commentaire. Cela a été très remarqué lors des nuits debout à Marseille, au Cours Julien, à la Place Jean-Jaurès, au Vieux Port, Les Réformés, etc. Qu’on est-il de leurs témoignages et de leurs implications dans des actions collectives ? Sont-elles vraiment des « malades mentaux » quand ils demandent un logement décent ? Sont-ils des marginaux quand ils parlent des effets secondaires dévastateurs des traitements psychiatriques sur leur fonctionnement cognitif global, pris sans leur consentement ? Ce sont des questions qui dérangent les logiques institutionnelles parce qu’elles mettent en cause leur paradigme. C’est pourquoi on refuse de les écouter par peur d’être ébranlé par la vérité. Docteur Vincent Girard le sait mieux que moi. Il fait un travail exemplaire et salutaire dans des conditions dures. Il mérite un hommage de tout le monde concerné par ce fait social et institutionnel : La maltraitance et l’exclusion massive des personnes fragilisées par la cruauté du système.

M’hamed EL Yagoubi
Compagnon de Nathalie
Collectif Vérité et Justice pour Nathalie
www.cvjn.over-blog.com

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