Avec lui sont arrêtés deux autres personnes palestiniennes, Ali Irar et Mansour Doghmosh. Les trois sont accusés de terrorisme pour le simple fait d’être des palestiniens qui luttent contre le génocide en cours à Gaza. Ali et Mansour sont sortis de taule en septembre dernier, tandis que Anan reste en détention. La court de cassation italienne a déclaré que les trois ne doivent pas être extradés, cependant elle s’est exprimée pour le maintien en détention de Anan pour les accusations de terrorisme portées contre lui par l’État Italien.
La criminalisation, la détention et l’expulsion des personnes qui expriment leur solidarité avec la Palestine est désormais pratique répressive courante dans plusieurs pays d’Europe, complices du génocide en cours.
Le procès contre Anan, Ali et Mansour commencera le 2 avril 2025 à L’Aquila.
Pour écrire à Anan :
ANAN YAEESH c/o Casa Circondariale di TERNI, Strada della Campore 32 -
05100 Terni (TR)
Italie
Je souhaite commencer par saluer la Cour et toutes les personnes présentes.
Il existe toujours la loi, mais aussi l’esprit de la loi ; c’est pourquoi je voudrais demander à l’Honorable Juge de m’accorder le droit humain le plus simple à l’égard de mon pays, en observant une minute de silence pour les âmes des enfants, des femmes et des martyrs de la Palestine.
Tout d’abord, je tiens à affirmer ma confiance dans le système judiciaire italien et à en reconnaître la légitimité.
Cependant, je m’oppose à être jugé en Italie, car je suis palestinien et je n’ai commis aucun crime ni en Italie ni dans aucun autre pays. Mon dossier, en tant que résistant palestinien, est connu des services de sécurité italiennes, et j’ai obtenu un titre de séjour en Italie ainsi que la protection spéciale après que ma demande d’asile a été rejetée par le Tribunal de Foggia.
Par conséquent, Monsieur le Président, je considère mon arrestation et mon procès ici comme illégitimes, car l’arrestation elle-même, dès le premier instant, a été effectuée en violation du droit international humanitaire, de la Charte des Nations Unies, de la Convention de Genève et de ses deux protocoles additionnels. Tout ce qui en découle est également illégal ; ce qui est fondé sur l’illégitimité est lui-même illégitime.
Si vous reconnaissez la légitimité de l’État de Palestine, alors la demande d’extradition formulée contre moi en janvier dernier aurait dû être adressée par le gouvernement de mon pays.
Si, en revanche, vous considérez la Palestine comme un territoire illégalement occupé par une puissance coloniale, alors la résistance est un droit légitime et vous ne devriez pas m’arrêter ici pour cette raison.
Malheureusement, Monsieur le Juge, j’ai pris connaissance de vos observations sur l’affaire et, avec regret, j’en ai conclu que vous considérez le Palestinien comme un terroriste non pas en raison de la résistance légitime qu’il mène contre un état occupant, mais parce que vous reconnaissez Israël comme un état ami.
Si un autre pays occupant était en jeu, comme la Russie par exemple, vous auriez reconnu la légitimité de la résistance palestinienne. Vous ne me jugez pas sur la base du droit international, mais en fonction de vos relations diplomatiques, simplement parce qu’Israël est considéré comme un allié du gouvernement italien, un partenaire commercial, et que vous jugez légitimes toutes ses actions.
Autant alors renommer les tribunaux internationaux et humanitaires en “Tribunaux des amis”.
Vous voulez que je me défende des accusations portées contre moi, mais j’ai honte de chercher l’acquittement pour des accusations qui, pour moi, sont une raison d’honneur. Je ne veux pas me défendre de l’accusation d’avoir des droits et de les avoir revendiqués, ou d’avoir tenté de libérer mon peuple et mon pays de l’oppression coloniale.
Je jure que je ne cherche pas à être acquitté de ma participation à la résistance légitime contre l’occupation sioniste. La résistance palestinienne est l’un des phénomènes les plus nobles que l’Histoire ait connus.
En revanche, j’ai honte d’être dans une pièce chaude, même en prison, alors que les enfants de Gaza meurent de froid, de faim et de soif.
J’ai honte du bon traitement que je reçois des autorités pénitentiaires ici, alors que mes frères prisonniers dans les prisons israéliennes subissent les pires formes de torture, d’oppression et de sévices.
Monsieur le Juge, sur tous mes papiers délivrés en Italie, il n’est pas inscrit le nom "Palestine", mais celui de "Territoires occupés".
Vous savez donc que cette terre est occupée et, par conséquent, en vertu des conventions signées par votre pays, vous devez considérer la résistance contre l’entité occupante comme légitime.
Pourquoi alors suis-je aujourd’hui détenu par vos services ?
En tant que partisan palestinien, je suis contraint de constater que, d’un point de vue politique, le monde adopte deux poids, deux mesures : celui qui est le plus fort et soutenu par les États-Unis est celui qui l’emporte.
Mais la Justice, le droit, utilisent-ils également ce même double standard, ou bien seront-ce les lois qui prévaudront dans les tribunaux ?
Est-il juste, en considérant les colons qui occupent la terre de Palestine sans droit ni légitimité comme des civils, simplement parce qu’ils ne portent pas l’uniforme de l’armée israélienne, d’avoir un jugement différent sur la résistance palestinienne ?
Elle aussi est composée de civils et non de militaires, car la Palestine ne possède ni État ni armée pour se défendre contre les agresseurs.
Les deux camps prennent les armes et tuent ; la seule différence est que la résistance palestinienne défend sa terre, son peuple et ses droits niés, et ne tue pas d’enfants, de femmes ou de civils, sauf par erreur.
Au fil des années, ces erreurs n’ont jamais dépassé un pour cent, alors que les colons attaquent systématiquement des civils sans défense.
Depuis des décennies, ils tuent des femmes et des enfants, les brûlant même à l’intérieur de leurs maisons, comme ils ont fait à Hebron, où ils ont tué plus de 30 fidèles dans la mosquée d’Abraham, ou comme ils ont fait avec la famille Dawabsha, avec Iman Hejju,avec Mohammad al-Durrah, ou comme ils ont fait dans le village de Jatt le 16 août et dans plusieurs autres occasions, dans le but de semer la terreur parmis les palestiniens et les convaincre à laisser leur terre ; les colons suivent les enseignements de la Haganah et de l’Irgun.
Rien ne l’illustre mieux que les récentes déclarations du directeur du Shin Bet israélien, reconnaissant que les colons sont des groupes terroristes et que les autorités israéliennes devraient les arrêter et les réprimer. Pourtant, la réponse de Benjamin Netanyahu a été de leur fournir plus de 10 000 fusils.
Mais après tout, que peut-on attendre de Netanyahu, reconnu par la Cour pénale internationale comme criminel de guerre pour les massacres commis contre les Palestiniens ?
Le Tribunal de La Haye a émis un mandat d’arrêt contre lui au cas où il arrivait en Europe, mais malgré cela, le gouvernement italien a déclaré qu’il serait le bienvenu en Italie et a rejeté la décision de la Cour, niant sa légitimité.
C’est le gouvernement qui a décidé de m’arrêter à la demande d’Israël, en me qualifiant de terroriste. À la lumière de ce qui précède, je peux dire que je ne vois pas d’autre loi dans ce pays que la loi du plus fort ; toutes les autres ne sont que des fictions qui sont, par la force, imposées aux plus faibles.
Dans la première audience d’extradition de février 2024, j’ai demandé à la Cour d’Appel et au Procureur Général de ne pas remettre le contenu de mes téléphones portables aux Israéliens, car ils contenaient des informations confidentielles dûes à mon rôle de résistant palestinien et de commandant partisan.
On m’a répondu que cela n’arriverait pas, car ils étaient conscients que nous étions en guerre et que l’Italie était neutre.
Cependant, j’ai été surpris d’apprendre qu’en avril dernier, toutes les informations contenues dans mes téléphones avaient été transmises aux Israéliens.
Ainsi, vous avez violé tous les principes de sécurité et le droit international lui-même, devenant de fait complices des Israéliens dans cette guerre, en les aidant à réprimer les aspirations légitimes d’un peuple opprimé.
Les femmes du monde entier n’ont pas su donner naissance à des résistants comme les Palestiniens.
Monsieur le juge,toutes les nations se sont alignés contre nous et les armées du monde ont été deployées contre nous, croyant de pouvoir anéantir notre cause. Mais notre cause ne cessera pas tant qu’il y aura un seul enfant palestinien en vie. Nous allons réconquerir nos droits. Nous ne demandons la pitié de personne, nous cédons devant personne, même au prix d’être tous tués, arrêtés ou déportés. Les palestiniens ne vont pas baisser la tête ni vont mendier de la pitié, car nous avons la force et de la raison de notre côté. Et si personne ne nous rendra nos droit en vie, nous croyons qu’après la mort nous allons nous retrouver face au plus juste des jugements : celui de dieu, qui ne niera son droit à personne et rendre à chaque opprimé ses droits, fort ou faible qu’il soit, parce que tous, le jour du jugement, seront égaux.
Monsier le juge, dans le passé, j’ai subi la torture des dizaines de fois. J’ai également été victime de tentatives d’assassinat de la part d’Israël, tant en Palestine qu’à l’étranger. Dans mon corps, il y a 11 balles et plus de 40 éclats d’obus ; je n’ai pas un os qui n’ait été cassé. Je n’ai pas de passé, sauf quelques souvenirs et photos d’amis tués par l’occupation, et d’un amie exécutée de sang-froid sous mes yeux. J’ai une famille que je n’ai pas vue depuis de longues années, et deux parents qui sont morts sans avoir pu réaliser leur rêve de me revoir une dernière fois. J’ai une patrie dévastée, un peuple déplacé, et même nos maisons ont été démolies par les bulldozers israéliens.
Néanmoins, je n’ai jamais reculé ni hésité à revendiquer le droit de mon pays à la liberté, et je n’ai jamais courbé l’échine devant qui que ce soit. C’est parce que je crois fermement en cette cause. Qu’est-ce que ce sera que d’être tué pour la liberté de mon pays et de mon peuple ? Que sera-ce de passer des années en prison pour ma cause ? Surtout quand on sait qu’il y a plus de 10 000 prisonniers palestiniens dans les prisons israéliennes et que je fais un seul indivisble avec eux. S’il y a une chose qui m’attriste, c’est que tous mes camarades ont eu l’honneur de tomber en martyrs, en se battant pour la Palestine, en nourrissant de leur sang cette terre de paix et d’amour, violée par l’occupation sioniste. Et je n’étais pas à leurs côtés.
Nous n’aimons pas la mort ; au contraire, nous sommes un peuple qui aime la vie plus que tout. Cependant, nous préférons mourir dans la dignité et l’honneur plutôt que de vivre dans l’humiliation, avec nos droits bafoués. Monsieur le Juge, nous pensons que la Palestine le mérite et que notre Jérusalem bien-aimée a un prix élevé, que chaque Palestinien est prêt à payer de son âme.
Lorsque la Palestine appelle, blessée, elle n’a que nous, ses enfants, prêts à la défendre de leur âme et de leur sang. Celui qui ne défend pas sa mère lorsqu’elle a besoin de lui n’aura pas le droit d’être enterré sur sa propre terre, arrosée par le sang des martyrs. C’est un fils indigne, qui sera rejeté par sa propre terre et ne sentira jamais la chaleur, ni dans la vie, ni dans la mort.
Vous avez tous une patrie dans laquelle vous pouvez vivre en paix et en sécurité, sauf nous, les Palestiniens. Notre patrie vit en nous et nous sommes prêts à sacrifier notre âme pour la défendre. C’est elle qui nous donne dignité et honneur, et seuls les libres de cette terre peuvent le comprendre ; nous sommes un peuple qui ne se rendra pas, c’est la victoire ou la mort.
Comment pouvez-vous m’accuser de terrorisme, alors que reconnaître la légitimité du mouvement Fatah, qui a des bureaux et des représentations dans le monde entier, y compris en Italie, n’est pas une attitude fausse et hypocrite ?
L’Italie a également accueilli le leader et fondateur de notre mouvement au Parlement italien à deux reprises. À cette occasion, il est venu en Italie vêtu de son uniforme militaire et armé, et a prononcé depuis l’Italie un discours qui a été entendu par le monde entier. La même chose a été faite avec l’actuel président, Mahmoud Abbas.
Si le regard plissé de la justice affirme que les résistants palestiniens sont des terroristes et non des partisans, il légitimera la politique du plus fort, la loi de la jungle, où le plus fort et le plus brutal l’emportent.
Monsieur le Juge, le peuple italien n’est pas et ne sera jamais notre ennemi ; il mérite le meilleur et notre respect, c’est un peuple ami qui a toujours soutenu la cause palestinienne. Nos ennemis sont les Israéliens qui occupent notre terre, et personne d’autre.
L’entité israélienne est une entité occupante et terroriste, qui ne respecte pas et n’a jamais respecté dans son histoire les lois internationales. Son histoire est jalonnée de trahisons. Au fil des ans, elle a assassiné de nombreux Palestiniens dans le monde entier : en Norvège, en Hongrie, en Bulgarie, ici même en Italie, en Malaisie et dans plusieurs pays arabes. Ils ne reconnaissent aucune loi qui ne soit la leur, aucune légitimité qui ne soit la leur, et ils considèrent tous ceux qui ne sont pas Israéliens comme leurs subordonnés.
Aujourd’hui, ils qualifient les organisations de l’ONU de terroristes, comme l’UNRWA, et l’ONU de repaire d’antisémites, et avec toute l’insolence voulue, ils attaquent aussi le Pape avec la même accusation infamante. Quiconque ne s’aligne pas sur eux devient un ennemi à prendre pour cible.
Nous, Palestiniens, sommes un peuple libre et n’accepterons jamais d’être l’esclave de qui que ce soit.
Ces derniers jours, sous les yeux du monde entier, l’armée israélienne a déplacé plus de 40 000 Palestiniens de leurs maisons à Tulkarem, brûlant les maisons, dévastant les routes, les hôpitaux, tuant des femmes et des enfants ; la même chose se produit à Jénine. Ils continuent d’occuper la terre alors que je me trouve dans cette salle d’audience, commettant les pires massacres contre des civils sans défense, tandis que vous qualifiez notre défense de terrorisme ; vous êtes devenus aveugles et sourds à ce qui se passe, pourquoi ne le dites-vous pas ?
Monsieur le Juge, l’entité sioniste tue et détruit en Palestine depuis 1947, pas depuis le 7 octobre. Mais le monde est resté immobile et silencieux, et seuls ceux qui reçoivent la blessure ressentent la douleur.
Nous sommes confrontés à la violence des bandes, à la violence nazie-fasciste, tout comme le peuple italien a été confronté à l’agression allemande et à la violence nazie. La différence entre nous et vous, cependant, c’est qu’après plus ou moins 20 ans, vous avez réussi à vous libérer, alors que nous, après 75 ans, nous résistons encore.
Monsieur le Juge, si la résistance palestinienne, légitimée par tous les tribunaux internationaux, à laquelle l’Italie a adhéré et reconnaît sa légitimité, est aujourd’hui considérée comme du terrorisme, alors, selon le même principe, la résistance italienne contre Mussolini, le fascisme et l’Allemagne nazie devrait également être définie comme du terrorisme.
Monsieur le Juge, tout au long de son histoire, l’occupation israélienne n’a respecté ni les résolutions du Conseil de sécurité ni les décisions de la Cour internationale. Pouvez-vous me dire ce qu’il est advenu des accords d’Oslo et de Camp David et des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité ?
Pouvez-vous compter le nombre de Palestiniens tués au cours de l’agression israélienne de 1947 à nos jours ? Ou le nombre de réfugiés chassés ? Qu’en est-il de votre loi et de votre droit en la matière ?
Monsieur le juge, la mère palestinienne est comme toutes les mères de ce pays. Imaginez avec moi que vous vous réveillez chaque matin, que vous envoyez votre enfant à l’école, que vous lui préparez à manger et que, lorsque vous l’accueillez à son retour, vous le voyez revenir enveloppé d’un tissu blanc, tué par un soldat israélien, et que vous devez le prendre dans vos bras pour la dernière fois.
Imaginez, à Gaza, un père avec sa femme et ses neuf enfants qui se retrouvent sans nourriture. Le père sort pour chercher quelque chose à manger ; à son retour, il trouve toute la famille morte sous les décombres, tuée par un bombardement sioniste.
L’un d’entre vous peut-il se lever et dire qu’Israël est un État occupant, oppresseur et terroriste ? Vous connaissez tous cette vérité dans votre cœur, mais aucun d’entre vous ne peut la dire à voix haute, car vous seriez accusé d’antisémitisme, vous perdriez votre emploi, ou vous pourriez vous retrouver à partager la même table que moi en prison, accusé de terrorisme. C’est pourquoi je dis et je répète que les Palestiniens sont peut-être les seuls à être libres dans ce monde d’esclaves.
Vive la Palestine libre et arabe
Vive Jérusalem, sa capitale éternelle
Paix à l’âme des martyrs et des enfants de Palestine
Nous resterons toujours en première ligne jusqu’à la libération.