Retours sur la répression d’une soirée de ouf : la totale

Brèves reflexions contre la répression de la soirée du 15 octobre aux chartreux

Le samedi 15 octobre à Marseille, des gens organisent dans un squat une teuf de soutien a des copaines subissant la répression en Italie. Sur le poster affiché un peu partout dans le centre de Marseille, ça annonce une teuf de ouf, et puis ça nous dit " feu aux frontières, aux cra et à l’état". Chouette programme ! On est plein à venir à cette teuf, y a du rap, de la bouffe, et comme on se met bien, on se répand tranquillement sur le trottoir, pour boire nos bières et tchatcher.

Des flics commencent à arriver un peu avant minuit, à demander aux gens de partir. Rien de très inhabituel. Il faut bien qu’ils nous rappellent qu’ils sont là. Pas mal de gens commencent à se mettre en route.
Mais ce qu’on comprend petit à petit c’est que pour les keufs, cette soirée est devenue une occasion speciale d’organiser une relativement grosse opération (dizaine de bagnoles et environ une cinquantaine de keufs), et de s’entrainer. tabassage général qui va mener 6 personnes dans une longue gav de presque 40 heures, et plein de monde à se faire défoncer la gueule.

Quand ils entament leur charge, avec des sommations invisibles, ça devient clair qu’ils ont pas seulement l’intention de nous disperser, mais de faire de ce moment une démonstration de force : lâchage de chien, lacrymo et gaz au poivre à bout portant, coup de tonfa. Les personnes interpellées se font traîner par terre, étrangler, rouer de coups et insulter, tout ça dans un angle bien à l’abri de la caméra des chartreux, qui est parfaitement placée pour filmer leur assaut, mais pas les tabassages à l’abri des voitures. Les autres se font courser jusqu’à 5 avenues, sous foules de lacrymo. La mumu en chope certain.es qui essaient de partir et les tabasse jusqu’à les coucher à terre, une personne se fait taper à repétition avec une bouteille de gaz sur la tête. Heureusement, celleux qui tombent se font relever, et personne d’autre n’est interpellé.

Les personnes interpellées ont raconté comment les keufs débrifent de leur stratégie lorsqu’ils retournent au comico : regrettant de ne pas avoir utilisé leur flashball, se donnant des conseils sur les meilleurs angles pour la prochaine fois. Ils parlent de ce déferlement de violence absurde comme des mascus dans un jeu vidéo, et du meilleur score qu’ils pourront faire la prochaine fois. Trop contents d’avoir chopé des gauchos et des trans, la gav est un spectacle minable : transphobie incessante, sexisme, homophobie... Il semble que rien ne réunit les keufs comme la possibilité d’une bonne humiliation collective. Les interpellées se font menacé.es de mort, de viol, privé.es de nourriture... Les gardes à vue ne sont pas affreuses à vivre seulement parce que les keufs sont des connard/sses mais parce que leur fonction même est de terroriser, isoler les personnes les un.es des autres et à terme, nous imposer soumission et docilité. Tout cela n’empêche pas certain.es interpelé.es du comico ce soir-là de réagir, gueuler, resister, de se serrer les coudes et s’opposer, faire chier les flics par n’importe quel moyen.

Cette gav, c’est aussi assister au train train quotidien des "geoles" du comico de Noailles. Déjà, ce sont majoritairmeent des personnes racisées qui sont enfermées.
Plusieurs d’entre eux se font violemment tabassées en cellule : un jeune de 16 ans, un homme plus agé qui a été vu pour la dernière fois dans une ambulance en train d’être ranimé à la sortie du comico. En fait,toute la merde de cette société carcérale et raciste se déroule tranquillement sous nos pieds quand nous passons à côté du comico de Noailles, car les cellules se trouvent à quelques mêtres derrière la porte en métal, dans le sous sol.
Ce n’est pas nouveau, ce comico, comme tout les autres, a un sale passé de maltraitances et de mort, de nombreux temoignages viennent le prouver.[2]
Dans la rue,les CRA, les prisons et les cellules des comico, la violence et le mépris des keufs se rejouent sans cesse, à l’abris des regards, ou sous l’oeil complice d’une caméra.

Si rien de tout ça n’est nouveau, ni hélas très exceptionnel, ce moment de représsion s’inscrit dans une rentrée policière bien à forme. En 2021, Macron a promis d’augmenter les effectifs de la police marseillaise de 800 personnes, et cent d’entre eux sont déjà en place. On le voit toustes, il y a encore plus de flics dans la rue. Entretemps, la mairie de Marseille réfléchit à un projet de centre de formation de la police municipale en partie sur le campus de Luminy et des nouveaux contrôloflics sont arrivées dans les transports en commun avec leur "caméra piétons".
Depuis la rentrée, plein de descentes se sont vues dans les fours à la belle de mai, à noailles. Des rafles qui embarquent des dizaines de personnes d’un coup vident les quartiers de leurs rythmes habituels. Pour la pluspart de ces personnes, la destination est le centre de retention administrative.

Par ailleurs fin octobre, une teuf sur la place de la plaine se voit gazée et 1 personne arrêtée, le matériel est aléatoirement confisqué.
Dans la même semaine que la teuf aux chartreux, un petit groupe de personnes fait plus de 40 heures de gav, menacé d’être jugé pour terrorisme, chopé par erreur alors qu’ils sont dans la rue avec un peu de matos pas à leur goût. Une fête dans un squat le samedi suivant se fait gazer par les fenêtres et menacer par la nationale et la bac.

Ils démontent les teufs et les espaces qui ne leur rapportent pas la thune qui fait tourner le capitalisme, et tous les moments où on est ensemble parce qu’on en a envie, ou pour se soutenir face à la répression, pour s’organiser, ou quand on occupe l’espace de façon spontanée, et désorganisée sans payer la pinte 6 balles dans un des nouveaux bar chicos de la plaine.
Squatter, faire la teuf ou juste trainer dans la rue avec une tête qui leur revient pas trop et peut-être sans les bons papiers dans les poches, ne correspond pas a leur politique d’épuration des rues. Clairement on gêne et ça se voit.

Ils veulent nettoyer Marseille de toutes celleux qui ne constituent pas une mane de travailleur.euses/touristes apathiques evoluant dans une ville magasin, ou chaque coin de rue est un appel a la consommation de masse, surveillé.es par une caméra. Marseille s’enfonce dans la gentrification ; millions d’euros et corruption pour la renovation de la Plaine visant a favoriser l’installation des bourgeois.es, des centaines Airbnb au m carré et l’éloignement de celleux qui ne sont pas les bienvenues. Dans le même temps, l’intensification des lois et pratiques anti squat favorisent les expulsions et entretiennent la haine contre celleux qui y vivent par choix ou par nécessité. Des flics aux citoyens modèles, voisin.e et commercant.e, nombreux.ses sont celleux qui s’acharnent à défendre la propriété privée.

Après cette soirée aux chartreux, la tête un peu fracassée, on a eu envie d’écrire un truc. On a saisi ce moment pour raconter pourquoi, comment on est veneres, raconter ce qu’on voit, ce à quoi on assiste, les différentes dynamiques qui nous font gerber.
Ce qui nous est arrivé n’est pas un cas exceptionnel et on pense que c’est important de partager et visibiliser pour ne pas laisser les gens isolé.es par la repression et se donner les outils pour lutter. On va continuer à dégainer notre rage, squatter, occuper l’espace, et foutre le bordel.

[1] sur les violences dans le comico de Noailles :
24 août 2021.
Une personne en gardav au comico de Noailles est tabassée à mort par un
codétenu. Les keufs ne se rendront compte de ça que 5h plus tard
(arrivée en cellule à 5h30, découverte du corps à 10h30). Trop tard pour
lui rendre la vie à La Timone.
[https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/bouches-du-rhone/marseille/marseille-un-homme-mort-apres-avoir-ete-passe-a-tabac-lors-de-sa-garde-a-vue-2223040.html]

[2] sur le renfort des flics à marseille :

https://www.lagazettedescommunes.com/795360/les-policiers-municipaux-en-colere-apres-lagression-a-marseille/
https://www.lamarseillaise.fr/societe/benoit-payan-renforce-les-effectifs-de-police-municipale-IB11239188

[3] https://iaata.info/Nous-continuerons-a-squatter-vos-maisons-vides-5073.html
sur la nouvelle proposition de loi anti squat
https://lille.indymedia.org/spip.php?article35305&lang=fr

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