Frédéric Herrour, le tueur, était jugé, mardi 13 décembre 2016 par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône pour le meurtre de Yassin Aïbeche Souilah, un lycéen de 19 ans, vivant au Parc-Bellevue, une cité du 3e arrondissement de Marseille.
La Provence et le traitement médiatique des violences d’Etat
Mardi 13 décembre, s’ouvre à la cour d’assises d’Aix-en-Provence le procès du flic qui a tué Yassin Aibeche en février 2013, à Marseille dans le 3ème arrondissement. C’est un fait assez rare qu’un condé soit (...)
Dans une supérette de l’avenue Roger-Salengro, au cœur d’un des quartiers classés parmi les plus pauvres de France, le sous-brigadier de 43 ans, est assis sur un pouf à boire une bière avec trois autres clients. Le policier qui habite à 700 mètres de là, a passé la journée sur un stand de tir pour une formation au pistolet-mitrailleur, avant de rejoindre le bar qui jouxte la supérette. Il y a fait la fermeture, y a bu plusieurs demis, a dormi trois heures dans son véhicule avant d’aller acheter des bières et de passer le temps dans l’épicerie de nuit. Il a sur lui son arme de service alors qu’à cette époque il n’est pas encore autorisé à la porter ailleurs que sur le trajet commissariat-domicile.
Yassin accompagne un ami venu se réapprovisionner. Le policier lui reproche de fumer un joint alors que les clients avec lesquels il regarde un film tirent, eux aussi, sur un joint. La tension monte, une bagarre éclate. Un client de l’épicerie rapporte l’avoir vu tomber, sortir l’arme de sa sacoche, viser et tirer « droit sur la personne » qui s’enfuyait. La balle atteint le lycéen dans la fesse mais remonte dans l’abdomen. Il mourra quelques heures plus tard à l’hôpital.
Dix jours après la mort de Yassin, plus de 150 personnes se sont recueillies en sa mémoire et en soutien à sa famille. Sur la grille du terrain de sport de la cité Félix-Pyat, dans le 3e arrondissement de Marseille, une banderole : « Justice pour Yassin ». Au même moment les journaux ne parlent que des risques d’émeutes dans ces quartiers ou les jeunes sont trop violents et de comment la police y fait bien son travail, accréditant la thèse de l’assassin de Yassin : si les jeunes se font descendre c’est de leur faute. Les personnes rassemblées ce jour là dénoncent elles des problèmes structurels et « l’abandon » de leur quartier :
Hormis un centre social à l’extérieur de la cité, il n’y a rien pour les jeunes, qui dealent, faute d’emploi. Il faudrait plus d’activités et d’éducateurs pour soutenir ceux qui décrochent à l’école. Des mères peuvent passer du temps avec les jeunes pour éviter qu’ils tombent dans les réseaux. Mais des structures éducatives doivent les soutenir
Le flic n’est interpellé que deux heures après les faits, effectivement ivre, après avoir remplacé dans son chargeur la balle manquante et lavé sa doudoune. Pourtant, Frédéric Herrour parle d’un accident. Selon lui Yassin serait mort ce soir là parce que les jeunes ont la « haine des flics ».
La chambre de l’instruction a elle écarté l’hypothèse de l’accident en raison de la forte pression nécessaire pour appuyer sur la détente. Elle a rejeté aussi l’hypothèse de la légitime défense : les deux jeunes gens n’étaient pas armés et ils lui tournaient le dos au moment du tir. Par contre, dans la scène décrite par les témoins experts et magistrats ont vu « une position de tir maîtrisée ».
Décrit comme « un fonctionnaire volontaire et consciencieux, ayant la confiance de sa hiérarchie » il avait pourtant déjà reçu un avertissement en juin 2012 lorsque déjà ivre, il avait mis des claques à une compagne. L’institution a donc gardé en ses rangs puis formé ce jour là à l’emploi d’armes automatiques une personne connue comme violente et alcoolique...
Si Frederic Herrour n’avait en 2013 pas le droit de porter son arme en dehors du trajet commissariat-domicile, les flics y ont finalement été autorisés après les attentats de 2015 dans le cadre de l’état d’urgence, puis la mesure a été pérennisée en 2016. Ils sont donc armés tout le temps. En voiture, au supermarché, au bar etc.
Pour lui comme pour toutes les personnes assassinées et mutilées par la police et leurs armes de cow-boys, rejoignez les appels à commémorer la mort de Zineb Redouane, tuée le 1er décembre 2018 par un CRS et son lance grenade.