Depuis sa création en 2006, le CRA (Centre de rétention administrative) de Marseille, à Bougainville, n’a cessé d’enfermer et d’expulser les étranger·es. Ces expulsions à Marseille sont une réalité morbide depuis le lendemain de l’indépendance de l’Algérie. Il s’agit en effet d’une continuité à partir de la « prison clandestine » sur les docks d’Arenc dès 1963, d’où étaient expulsé·es essentiellement des Algérien·es. Cette situation illégale est ensuite officialisée avec l’ouverture du premier centre de rétention de France en 1975, à Arenc, désormais remplacé par le CRA de Bougainville et la zone d’attente de l’aéroport de Marignane.
La dernière Loi Asile et Immigration, mise en application par le gouvernement macroniste depuis le 1er janvier 2019, renforce le pouvoir irrésolu de l’État à systématiser les enfermements et les expulsions en masse. Par cette loi :
- la durée maximale de détention en CRA passe de 45 à 90 jours ;
- les garanties pour les demandeur·ses d’asile en CRA sont fortement réduites, à cause de la suppression du recours suspensif du recours CNDA (Cour nationale du droit d’asile) ;
- la détention des étranger·es en procédure régulière de demande d’asile (« dubliné·es ») est désormais légalisée.
Les CRA sont des lieux d’enfermement : violences policières, conditions d’alimentation et d’hygiène inhumaines, rétention d’information sur les déportations, nourriture haram pour les musulman·es, collaboration active des entreprises privées pour les arrestations et les expulsions, manque d’air en cette période de fortes chaleurs, isolement, répression des luttes, règne de l’arbitraire (le nouveau commandant du CRA de Marseille est particulièrement agressif).
Au CRA du Canet, l’absence de chauffage en hiver, la cohabitation régulière avec les rats, la mauvaise qualité de la nourriture et de l’hygiène, les difficultés rencontrées par les proches pour les visites, s’ajoutent aux violences et intimidations régulières des force de l’ordre, cherchant à réduire au silence toute contestation.
En 2018, le CRA de Marseille a enfermé 1.200 personnes. La France enferme dans ses CRA plus de 45.000 personnes, beaucoup plus qu’ailleurs en Europe.
Mais l’enfermement des étranger·es ne se limite pas aux CRA. Près d’un tiers des personnes enfermé·es au CRA de Marseille l’ont été immédiatement après leur sortie de prison, en particulier de Tarascon, d’Arles, de Luynes ou des Baumettes. Pour celleux qui ne sont pas expulsé·es hors de France, beaucoup sont renvoyé·es vers la prison, puis à nouveau en CRA après leur « levée d’écrou », et ainsi de suite.
À Marseille, de même qu’ailleurs en France, des lieux d’enfermement des migrant·es autres que les CRA se développent depuis le démantèlement de Calais en 2015 : « zones d’attente » à l’aéroport de Marignane et dans le CRA de Marseille, CAO, PRAHDA, centres DPAR, explosion des assignations à résidence en hôtel, etc. Toutes ces mesures relèvent d’un même processus de surveillance accrue des étranger·es. La criminalisation de leur quotidien, le risque à tout moment d’être arrêté·e par la police et d’être enfermé·e, sont un instrument politique majeur d’écrasement de toute existence et de toute résistance.
Les enfermé·es n’en peuvent plus. Les tentatives de suicides successives, les auto-mutilations des détenus au CRA de Marseille ces dernières semaines de juin nous le rappellent tragiquement. En novembre 2018, pour protester, des détenus ont aussi mis à feu toute une partie du CRA. En France ces derniers mois, des grèves de la faim et des incendies volontaires se sont multipliés aux CRA du Mesnil-Amelot (près de l’aéroport de Roissy), de Vincennes ou de Plaisir (près de Paris), d’Oissel (à côté de Rouen), de Rennes et de Bordeaux.
Pour que disparaissent les frontières
Pour que crève la taule
Soutenons la résistance des détenu·es en CRA