Si les trois premiers cas sont similaires dans le style d’action de la police et l’indifférence vis-à-vis des protections légales du lieu considéré comme un domicile, le dernier est un peu différent, puisque l’expulsion survient au terme de la procédure légale. Mais elle est par contre chargée d’hypocrisie, parce que cette maison hébergeait un certain nombre de migrants mineurs isolés, ce qui devrait être pris en charge par les pouvoirs publics (qui ne se privent pas d’envoyer justement des gens dans cette maison). Un petit résumé de ces derniers jours :
12 octobre : Boulevard Jeanne d’Arc (5ème) : La première de la nouvelle série. Après le passage d’une première personne déjà très menaçante, le propriétaire arrive accompagné de la police nationale et se déchaîne dans les menaces de tortures et de mort. Celui-ci dit en effet de belles choses du type : "On va vous couper les doigts, vous violer et vous mettre dans un coffre". Les policiers, pris à partie par les habitant-e-s là-dessus, disent qu’eux "n’entendent rien, qu’ils ne voient pas de quoi ils parlent".
Des menaces, il en vient aux mains et donne un coup de poing à travers les barreaux, ouvrant le front de l’une des personnes présentes avec la bague qu’il portait. Cette personne finit sa soirée à l’hôpital après avoir été escortée par les pompiers. Mais l’arrivée des pompiers n’a pas été facile non plus, parce que tandis qu’elle était par terre et en train de saigner, sous le choc, un policier déclarait qu’il n’appellerait pas les pompiers si ce n’était pas elle qui le lui demandait.
Ceux-ci ont fini par arriver et emmener la personne blessée vers l’hôpital, tandis que la maison était évacuée et que certaines personnes étaient poursuivies à coups de marteau par le propriétaire, toujours sous l’indifférence de la police.
Dans une dernière remarque raciste, les flics disent "vous n’allez qu’à aller vivre chez les migrants", reprenant ce thème d’extrême-droite en vogue ces derniers temps, comme si la vie était plus facile pour les migrants que pour les gens "bien de chez nous".
17 octobre : Rue Transvaal (4ème) : De nouveau, les flics viennent pour péter la porte en ne daignant même pas jeter un oeil aux divers justificatifs et preuves de présence attestant que le lieu constitue le domicile principal de plusieurs personnes, ce qui est sensé faire débuter la procédure légale. Le propriétaire est là aussi, faisant ami-ami avec la police. Au bout d’un moment, la police parvient à casser la porte, qui sera finalement ouverte pour limiter les dégâts.
19 octobre : Boulevard Barry (13ème) : Là encore, les flics outrepassent toutes les procédures légales et finissent par expulser les habitant-e-s, alors même que la personne qui se présente comme enfant du propriétaire ne produit aucune preuve ni aucun titre de propriété. Un témoignage sur les faits :
"Il y à des mondes qui nous séparent" raconte une flic en nous collant contre le mur pour un contrôle d’identité qui annonce déjà la couleur pour ce qui est du mépris de tous ces jeunes flics. Les personnes identifiées comme jeunes passant dans la ruelle à l’arrière de la maison sont toutes mises en controle d’identité sans motif particulier : "des motifs on va en trouver [...] c’est l’état d’urgence". Beaucoup d’attente. Un autre flic dit qu’il"est pas la pour vous mettre à la rue, on fait juste notre travail", et il tentait de nous expliquer qu’illes avaient parfois à intervenir dans des situations plus dangereuses dans les quartiers plus chauds. Alors qu’une habitante à l’extérieur essaye de faire le lien avec la police en expliquant que la maison est occupée depuis fin septembre, que le fait qu’elle ait été ouverte par un cambriolage par le passé est connu du voisinage et qu’il y a des preuves à l’intérieur pouvant l’attester, une autre équipe de police entre par effraction dans le jardin. Les preuves glissées sous la porte d’entrée sont renvoyées vers l’intérieur par la police qui essaye déjà d’enfoncer la porte. "Comment ça de la violence ? s’il faut faire venir une compagnie de CRS pour vous dégager on va le faire". Comme ultime gâterie, les bleus vont utiliser leur bombe lacrymo pour gazer les personnes essayant de venir au secours des habitant.e.s encore à l’intérieur ou de filmer l’action de la police.
21 octobre : Rue Sainte (7ème) : A l’issue de la procédure d’expulsion, cette maison occupée depuis le début de l’année a été expulsée ce matin. La maison a par la suite été murée. Un rassemblement est organisé ce même jour à 14 heures devant les bureaux de l’OFII au 61 boulevard Rabatau. En effet, comme le rappelle le communiqué du Collectif Soutien Migrants 13 / El Mamba en lien ci-dessus, cette maison servait de domicile à de nombreux mineurs isolés et demandeurs d’asile à Marseille, pointant du doigt la parfaite hypocrisie des "structures d’accueil" en France, à un moment où le camp de Calais est en voie d’être expulsé et à la veille de l’hiver.
Les flics essayent d’empêcher les personnes solidaires de parler aux ouvriers affairés à murer la porte, ceux-là meme qui "ne font que leur travail", travail qui consiste à s’assurer que des gens resteront dans la rue plutôt que sous un toit.
Hier 20 octobre, l’occupation d’un lieu de solidarité avec les migrant-e-s avait déjà été expulsée pour empêcher la création de structures de solidarité des deux côtés de la frontière franco-italienne. Une personne a été placée en garde-à-vue, tandis qu’à Nice, en parallèle, le terrain est désormais ouvert pour la construction d’un énorme projet immobilier (hôtel, bureaux, services) dans l’un des derniers quartiers pauvres et à forte concentration immigrée du centre de la ville.
En ce qui concerne Marseille, souvenons-nous de l’expulsion systématique de tous les centres sociaux ouverts par le Collectif Soutien Migrants / El Mamba au cours de l’année (ici, ici et aussi là, et encore dans l’été).
Alors que les attaques contre les structures d’accueil, les migrants et les personnes solidaires se multiplient en France comme ailleurs (notamment en Allemagne), un nouveau cap a été passé dans la ville de Lourdes, où le FN des Hautes-Pyrénées commence à diffuser les adresses des personnes migrantes dans le coin, suscitant des commentaires tels que "Il faut tous les buter". Les appels aux lynchages se multiplient, tandis que les remarques et manifestations racistes qui disent que tout est plus facile pour les migrant-e-s deviennent toujours plus banales et ancrées dans un discours de moins en moins décomplexé, alors que la réalité montre bien le caractère complètement fallacieux de ces affirmations. La police s’en sert tout de même pour justifier d’autres expulsions et repousser encore une fois le malheur des un-e-s sur le dos des migrant-e-s.
Les temps qui viennent n’augurent décidément rien de bon.
Tout le monde devrait pouvoir avoir un toit sur la tête, alors continuons à réquisitionner les bâtiments et à développer la solidarité, même si les conditions se font de plus en plus difficiles.